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Nos rivaux les robots

Nos rivaux les robots

Par Richard Worzel [Translate]

Peut-être avez-vous déjà senti cette sensation d’être dépassé en lisant sur l’avenir de la technologie. Non seulement les changements s’accélèrent, mais l’accélération elle-même s’accélère! Commentateur et inventeur professionnel, John Mauldin affirme que nous sommes à l’aube d’une ère de révolution technologique continuelle. J’entrevois une marée de changements dans beaucoup de domaines, notamment la biotechnologie, la nanotechnologie, la génétique, la bio-ingénierie, la recherche médicale, la science des matériaux et Internet. Mais le domaine qui évoluera le plus sera certes celui de l’intelligence artificielle et de la mise au point de robots qui intégreront notre quotidien.

Les inventions ne prennent leur place sur le marché et dans nos vies que relativement lentement. Il ne suffit pas de lancer un nouveau téléviseur à écran plat parce qu’une version en trois dimensions a vu le jour (ou, du moins, la plupart d’entre nous ne le font pas). Les entreprises doivent d’abord valider leur prototype et créer un produit abordable pour les consommateurs. Malgré tout, les changements survenus au cours des dix dernières années (et même des vingt-cinq dernières années) ne se compareront même pas à ce qui nous attend pour les prochains dix ans. C’est la « loi des progrès accélérés » qu’illustre Ray Kurzweil dans un essai publié en 2001 (Law of Accelerating Returns) :

« Au cours du dix-neuvième siècle, nous avons été témoins de plus de développements technologiques qu’au cours des neuf siècles qui l’ont précédé. Dans les vingt premières années du vingtième siècle, nous avons constaté plus de progrès que dans tout le dix-neuvième siècle. Maintenant, le même modèle se réplique sur une échelle de quelques années seulement. La Toile ne ressemblait en rien à ce qu’on voit aujourd’hui il y a seulement quelques années; elle n’existait même pas il y a une dizaine d’années. » [traduction libre]

Kurzweil est perçu comme l’héritier légitime d’Edison : c’est un inventeur prospère, très riche. On le considère bien souvent comme un pur cinglé, mais tout son argent, c’est en ayant raison plus souvent que la majorité qu’il l’a obtenu. Si ses prévisions sont fondées et que je comprends bien les signes actuels, les robots feront leur arrivée dans notre vie quotidienne d’ici une dizaine d’années.

La vie domestique ne sera pas perturbée tout de suite : en effet, une machine à la fine pointe qui peut être efficace dans les tâches ménagères sans ordinateur pour la guider coûterait sensiblement aussi cher qu’une voiture. Mais pour les entreprises, le remplacement d’un employé au prix d’une voiture, voilà qui est très rentable! Non seulement les machines peuvent travailler 24 heures sur 24 et 365 jours par année (sauf pour entretien et réparation), mais il ne faut les acheter qu’une seule fois! Les employés, eux, demandent à être payés chaque année ou sinon ils se fâchent. Les robots, l’intelligence artificielle et l’automatisation semblent donc la voie de l’avenir au travail.

Les tâches routinières seront les premières touchées, celles qui n’exigent pas de jugement. On en a déjà des applications dans le secteur manufacturier et aussi dans le travail de bureau : les ordinateurs qui traitent les données remplacent effectivement les humains. Les personnes qui préparent des déclarations de revenus en constituent un bon exemple, car elles se font semer de plus en plus par des logiciels qu’on ne cesse de perfectionner. Il en va de même pour les testaments de routine, créés par des logiciels plutôt que par des avocats.

Pour l’instant, les ordinateurs mis au point ne font qu’accomplir bêtement ce que les humains programment, et ce sont les humains qui déterminent ce qu’il faut inscrire dans les bonnes cases. Les dix prochaines années seront le théâtre de grands changements : les logiciels, notamment ceux de programmation génétique, seront perfectionnés et fonctionneront sur des ordinateurs près de 1 000 fois plus rapides que ceux d’aujourd’hui. Nous aurons des ordinateurs aussi intelligents que l’humain.

Ces ordinateurs aussi intelligents que l’humain entraîneront une rivalité entre, d’un côté, l’ordinateur, et, d’un autre côté, les adultes et les enfants, car ces derniers ne voudront pas perdre leur emploi (oui, je sais, l’éducation ne fait pas que former de simples employés). Comment peut-on donc faire concurrence aux ordinateurs? La réponse se divise en trois volets : créativité, flexibilité, humanité. C’est ce qu’il faut privilégier dans notre système d’éducation au lieu des faits et des connaissances.

Tout d’abord, la créativité consiste à produire de nouvelles choses et à trouver de nouvelles manières de faire les choses. Tôt ou tard, les ordinateurs et les robots pourront faire tout ou presque tout ce que les humaines peuvent faire. Mais une chose diffère : les humains sont imprévisibles, une caractéristique que met en relief la créativité. Pour battre les ordinateurs, il faut donc faire ce que personne n’a jamais pensé programmer dans les ordinateurs. Par contre, il est clair qu’une fois qu’on aura découvert l’importance de la créativité, certains esprits allumés chercheront à mettre au point des ordinateurs capables de créer. Mais d’ici là, c’est notre département.

Quand on parle de créativité, on parle aussi d’arts. Je ne suis pas convaincu que les ordinateurs et les robots pourront un jour créer des peintures, des sculptures ou des symphonies à notre place. J’aurais tendance à croire que les œuvres créées par des ordinateurs n’auront pas la même valeur à nos yeux que les œuvres créées par des humains, mais je me trompe peut-être. Peu importe, le travail des artistes aura toujours la cote (qu’on aime ou pas un artiste).

Ensuite, on parle de flexibilité quand on peut s’immerger dans ce qu’on fait, bien comprendre de quoi il en retourne et trouver des solutions adéquates. L’entreprenariat, c’est-à-dire la création d’entreprises, en est un exemple. J’ai écrit deux livres sur le sujet et je peux vous certifier que tout bon entrepreneur se bute un jour ou l’autre à des difficultés insurmontables qu’il parvient néanmoins à surmonter. Voilà une belle démonstration de flexibilité!

Enfin, l’humanité équivaut en quelque sorte à ces compétences générales que sont le travail d’équipe, l’empathie, la capacité de chef, la compréhension et le génie qui nous distinguent des ordinateurs. L’histoire de l’humanité recèle d’équipes formées et dirigées de main habile malgré l’adversité, une capacité caractéristique de notre espèce. Savoir bien travailler en équipe a toujours été un excellent moyen de progresser sur le plan professionnel. Il faut comprendre comment les situations évoluent et avoir de l’empathie pour les autres et ce qu’ils vivent si on veut se démarquer des robots qui effectueront les tâches routinières. Par exemple, je fais moi-même affaire avec un câblodistributeur par satellite non parce qu’il a les meilleurs prix ou le meilleur équipement, mais parce que je suis impressionné de la qualité du service à la clientèle. J’en suis même à me demander pourquoi les autres services à la clientèle à qui j’ai affaire ne les imitent pas.

Le génie, c’est la raison pour laquelle nous vivons dans des maisons plutôt que dans des caves, que nous comprenons la nature qui nous entoure, que nous prenons soin de notre corps. C’est cette particularité de l’humain qui est à l’origine de tout le reste.

J’ai, pour finir, trois défis pour vous. D’abord, vérifiez si j’ai raison ou si j’ai tort concernant les changements à venir au cours des dix prochaines années et songez aux répercussions de ces changements sur le milieu professionnel. Faites-vous votre propre opinion. Deuxièmement, demandez-vous si le système d’éducation s’adapte assez vite aux changements qui vont survenir. Et troisièmement, demandez-vous si notre système d’éducation en général prépare adéquatement les élèves. Si vous concluez que j’ai raison sur l’avenir et que vous ne croyez pas que le système d’éducation soit à la hauteur, j’ai alors une quatrième question pour vous : de quel type de système avons-nous besoin et comment le mettre en place?

Richard Worzel, le plus grand futurologue au Canada, donne des conférences à plus de 20 000 personnes par année. Il accorde gratuitement de son temps pour parler aux élèves du secondaire. Vous pouvez communiquer avec lui à futurist@futuresearch.com.


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