Quoi faire en cas de troubles mentaux en classe?
Par Bruce Van Stone
La perception sociale de la maladie mentale est souvent empreinte de préjugés. On imagine en effet une personne au regard menaçant impossible à maîtriser et hautement dangereuse. Non seulement ce stéréotype est-il exagéré, mais il est aussi insultant. Les troubles mentaux se manifestent sous diverses formes, et il n’y a pas qu’une seule façon d’intervenir. D’après l’Association canadienne pour la santé mentale, environ 20 % des Canadiens seront atteints d’un trouble mental au cours de leur existence. Cependant, mon expérience à titre d’enseignant me laisse croire que le nombre d’enfants non diagnostiqués est encore plus important. Les éducateurs sont souvent aux premières loges dans la vie de leurs élèves; ce n’est donc pas inhabituel qu’ils soient les premiers à remarquer des symptômes de maladie mentale. Ils influencent toutefois grandement la perception de la santé mentale chez les élèves. Dans mon travail, j’ai toujours mis en place des stratégies et des méthodes pour aider les élèves à réaliser leur plein potentiel. J’aimerais aujourd’hui vous transmettre certaines des stratégies que j’ai mises de l’avant pour les cas de maladie mentale en classe. Il faut cependant garder en tête que tous les enfants ne sont pas pareils et qu’à chaque trouble correspond un degré différent de symptômes et de manifestations.
Je débuterai par les troubles de l’anxiété qui prennent diverses formes. Les élèves anxieux sont parfois facilement irritables, parfois perfectionnistes, et ont de la difficulté à réaliser les tâches qu’on leur demande. D’autres encore refuseront tout simplement de s’y mettre par peur de l’échec. Il en résulte des risques d’absentéisme pour éviter les situations embarrassantes.
Voici certaines de mes stratégies qui ont porté leur fruit pour les élèves aux prises avec l’anxiété :
- accorder du temps supplémentaire à ceux pour qui une tâche se révèle particulièrement problématique. Responsabilisez l’élève et faites un suivi tout en évitant de le rendre mal à l’aise;
- offrir des options pour la réalisation de la tâche et donner à l’élève le sentiment qu’il maîtrise son environnement;
- vous assurer que l’élève écrit bien les consignes;
- afficher l’horaire de la classe pour que l’élève sache à quoi s’en tenir;
- encourager l’élève à participer à des activités parascolaires pour apaiser l’anxiété par l’activité physique et un sentiment d’appartenance sociale;
- montrer l’exemple en demeurant calme et en gardant son sang-froid.
Le trouble de bipolarité se manifeste aussi en classe. Les élèves vont avoir une humeur changeante et connaître des fluctuations dans leur degré d’énergie, d’effort et de motivation, et ce, de nombreuses fois par jour, une fois par jour, selon un cycle particulier ou à certaines saisons de l’année. Ainsi, un élève bipolaire peut avoir de la difficulté à se concentrer et à comprendre les tâches qu’on lui demande si elles comportent beaucoup d’étapes ou si les consignes sont complexes et peut chercher la confrontation lorsqu’on lui attribue une tâche.
Voici quelques autres stratégies d’enseignement :
- diviser les lectures à faire en petits segments et évaluer la progression de l’élève de manière à en déterminer régulièrement le degré de compréhension;
- réduire les exigences si le niveau d’énergie de l’élève est bas et les augmenter si le niveau d’énergie est élevé;
- trouver un endroit où l’élève peut aller en privé jusqu’à ce qu’il revienne à lui;
- si un élève opte pour la confrontation, ne pas argumenter avec lui et plutôt essayer de le calmer;
- garder contact avec les parents de l’élève pour leur faire part de vos observations et mieux comprendre comment fluctue son humeur;
- si l’élève le veut bien, lui parler de ses cycles d’humeur et lui demander comment il préférerait qu’on intervienne lors de ses crises;
- réprimander les élèves qui tentent de stigmatiser ou d’étiqueter l’élève qui a une humeur changeante ou dont le degré d’énergie fluctue.
La dépression assaille aussi les élèves. On peut noter chez les élèves dépressifs un changement marqué dans leur intérêt pour les travaux et les activités scolaires. Il arrive que leurs notes chutent par manque d’intérêt ou de motivation ou en raison d’absences répétées. Certains s’isoleront et refuseront de parler à leurs camarades ou de participer à des projets collectifs.
Voici quelques suggestions pour les cas de dépression :
- réduire certaines sources de pression dans la classe;
- diviser les tâches en petites parties;
- rassurer l’élève en lui disant qu’il pourra se rattraper. Fournissez des consignes détaillées, faites preuve de flexibilité et montrez-vous réaliste par rapport à vos attentes;
- aider l’élève à percevoir ses résultats d’un bon œil et encourager l’établissement d’objectifs stimulants et réalistes;
- encourager une inclusion sociale graduelle (c’est-à-dire par des travaux en petits groupes). Demandez aux élèves les plus sociables de tendre la main à l’élève dans les discussions en groupe;
- demander aux parents ce qui permettrait de réduire la pression en classe ou motiverait l’élève;
- encourager l’activité physique de manière à ce que l’élève ait sa dose quotidienne;
- ne jamais balayer les sentiments de l’élève du revers de la main. Il ne faut pas dire « tu vas t’en sortir » ou « ça arrive quand on grandit »;
- lorsqu’un élève vous interpelle au sujet de sa dépression, poser des questions pour bien comprendre comment il se sent et ce qu’il vit;
- intégrer des notions sur la dépression à votre enseignement. Montrez aux élèves qu’il y a eu de nombreuses personnes célèbres et épanouies qui ont subi une dépression et qui s’en sont sorties.
La maladie mentale est encore bien mal comprise aujourd’hui et on n’en parle pas assez. Ainsi, nos jeunes souffrent en silence. Ils savent qu’ils ne vont pas bien, mais ils sont aussi conscients qu’on les traitera de « fous » ou de « stupides » s’ils parlent de leur problème. Il faut éliminer à tout prix des étiquettes de ce genre sur les troubles mentaux, et la tâche revient avant tout aux enseignants. Il est essentiel de rappeler à l’ensemble des élèves que ceux qui souffrent de troubles mentaux ont droit au même respect et à la même dignité que ceux qui sont atteints de troubles physiques. Des leçons sur les effets de la stigmatisation, des préjugés et de la discrimination seront efficaces à cet effet. Si un élève obtient un diagnostic et vous en parle, j’espère que mes suggestions vous aideront à réaliser le plein potentiel de ce dernier dans un milieu inclusif, bienveillant et empathique.
Précision : Je ne suis ni expert en la matière ni clinicien. Je me suis plutôt tourné vers les ressources qui me sont accessibles en classe pour mettre en œuvre ces stratégies. J’ai notamment consulté, pour la rédaction de l’article et dans la pratique de tous les jours, les sites de l’Association canadienne pour la santé mentale (www.cmha.ca) et de Hazelden (www.hazelden.org, en anglais seulement).
Bruce Van Stone est agent pédagogique à la sensibilisation et à la prévention de l’intimidation au ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick. On peut joindre M. Van Stone à l’adresse bruce.vanstone@gnb.ca.