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La partie la plus difficile de l’éducation personnalisée

La partie la plus difficile de l’éducation personnalisée

par Richard Worzel [translate]

Lorsque les rédacteurs de TEACH/LE PROF ont parlé de publier une série d’articles sur l’éducation personnalisée en me demandant si j’aimerais y participer, j’ai d’abord pensé « Il est grand temps ! ». Mon premier article sur le sujet a paru dans ces pages il y a presque quinze ans. J’ai ici maintes fois dit clairement ma pensée sur ce point : une éducation et un curriculum adaptés aux besoins et aux aptitudes de chaque élève est absolument crucial pour l’avenir de l’éducation et de notre société. Toutefois, dans le cadre de cette série, j’ai décidé de m’attaquer à la partie la plus difficile de cette question : pour un enfant donné, comment notez-vous son expérience unique d’éducation ? Dans un tel contexte, quel est le sens des notes ?

Pour l’aborder, posons une question plus fondamentale encore : en fait, pourquoi avons-nous des notes ? L’attribution de notes se justifie par trois grandes raisons. Tout d’abord – et c’est la raison la plus importante – la notation permet aux éducateurs de se communiquer des informationsprécieuses pour mieux façonner l’éducation de l’enfant en mettant en lumière les points où il est fort et ceux où il a besoin d’être aidé. L’évaluation est une façon de gérer la situation. Comme on dit dans le monde des affaires : « On ne peut gérer ce qu’on ne peut mesurer ».

Ensuite, l’attribution de notes est censée être un moyen d’évaluer le bon fonctionnement du système éducatif et de ses composantes (établissements scolaires et classes). Elle devrait permettre aux administrateurs de partir des points forts et de changer ou d’améliorer les points faibles. Bien entendu, ceci est impossible si chaque école ou chaque classe infléchit les notes de sorte que la classe semble obtenir des résultats « normaux ». L’attribution de notes est censée nous aider à évaluer les résultats du système dans son ensemble, ainsi que les résultats des élèves pris individuellement.

Finalement, l’attribution de notes devrait normalement informer les parents sur le niveau de leur enfant. Les parents peuvent également évaluer les résultats de l’établissement en fonction des notes. Mais si chaque élève suit un curriculum et une filière qui lui sont propres, quel sens ont les notes ? Comment juge-t-on de la créativité et de l’innovation dans l’apprentissage ? De quel etalon se sert-on pour mesurer les résultats dans les sujets essentiels – tels que la lecture, l’écriture et l’arithmétique – que chacun doit maîtriser, lorsque l’enfant ne les étudie pas selon une voie établie ?

Il est évident que cela nécessite de repenser totalement la chose, puisqu’il n’y aura aucun niveau de notes pouvant servir de référence. Comment saura-t-on savoir si un enfant lit comme en 3e année s’il n’y a pas de 3e année ?

Eh bien, le seul fait de formuler la question corcorrectement simplifie la réponse. Vous ne pourrez peut-être pas dire si une enfant lit au niveau de ce qu’était la 3e année (et je proposerais qu’on se débarrasse progressivement de tout lien avec ces références du passé), mais vous pourrez juger – et tester le cas échéant – si votre petite fille de huit ans lit à un écart type au-dessus ou au-dessous du niveau moyen établi pour tous les petits Canadiens de son âge. De plus, je soupçonne que cela fournira une meilleure mesure des résultats, à la fois pour l’enfant et pour une classe et une école données, que de se baser sur le niveau hypothétique d’une 3e année.

Certes, toutes les évaluations ne seront pas aussi simples. Supposons, par exemple, qu’une élève particulière apprenne à lire pour pouvoir plus facilement concevoir des jeux informatiques, ce qui l’intéresse. L’attention porte sur la conception de jeux, les competences en lecture n’étant qu’une partie de l’éducation qu’elle reçoit. Comment évaluez-vous le reste de ce qui se passe pour juger de son niveau ? C’est là qu’il nous faudra être à la fois créatif et perspicace.

Je commencerais par l’établissement d’objectifs trimestriels entre l’enfant et l’enseignant – par exemple, la conception d’un jeu qui intéresse les camarades de l’enfant – et sa finalisation pour la fin du trimestre. On détaillera aussi précisément que nécessaire le type de jeu et son champ d’action. Puis, l’enseignant pourra, de son côté, définir les compétences qui, à son avis, seront essentielles pour terminer le projet, et s’appuyant sur des projets semblables évalués par d’autres élèves ailleurs au Canada, il fixera des valeurs references élevées pour le projet global et les différentes compétences – telles que la lecture, les maths, la recherche, la géographie, etc. – qui d’après lui seront en jeu. Là encore, en faisant cette évaluation, l’enseignant s’appuiera sur l’expérience de ses collègues. Si pour un projet donné, aucune n’est pertinente, il devra estimer des references probables. Ceci fait, l’enseignant pourra, selon l’âge et la maturité de l’élève, discuter avec lui de ces étalons et convenir des exigencies d’apprentissage indispensables pour terminer le projet. Parmi ces exigences, il y aura ce qu’on inclut généralement dans les matières fondamentales – lecture, histoire, mathématiques, travail d’équipe, etc. – mais il pourra y avoir aussi des sujets nouveaux, tels que sa jouabilité et son immersivité, qui sont des caractéristiques de jeux bien pensés.

À cela, j’ajouterais un autre critère : l’enthousiasme. Quelle est la dose d’enthousiasme que l’élève met dans son projet ? Se dépêche-telle d’avancer et d’en faire toujours plus – pour en apprendre advantage – ou suit-elle simplement le mouvement ? À mon avis, l’un des plus grands avantages de l’éducation personnalisée est qu’on peut à nouveau rendre l’apprentissage amusant. Je vois cela comme une raison pour que les intérêts de l’élève la poussent à apprendre toutes les autres choses qu’elle doit savoir. Un manque d’enthousiasme devrait être source de préoccupation et susciter un échange entre l’enseignant, l’élève, les parents et, peut-être aussi, les administrateurs scolaires.

À mesure que l’élève progresse dans ses études et devient adolescente, elle pourra aborder davantage de projets d’adultes, qui exigent plus de réflexion, d’effort et de sueur. À ce qui est maintenant le niveau du secondaire, je commencerais à impliquer les organisms dans lesquels l’élève évoluera après sa scolarité publique normale, qu’il s’agisse d’un établissement postsecondaire ou d’un employeur, dans le cadre de son éducation. Dans le cas d’un enseignement cooperative avec cet établissement postsecondaire, elle pourra maintenant maintenant travailler à des projets qui comporteront de vrais problèmes et de vraies solutions, tels qu’on en rencontre dans la vie.

Ainsi, si un élève manifeste un fort désir de devenir artiste, il pourra peut-être être engagé par une galerie d’art ou un musée local et travailler à la vente ou à la présentation des oeuvres. Là, il apprendra également un peu de marketing, ce que sont les commandes, et comment gagner sa vie en tant qu’artiste. S’il veut devenir journaliste, il commencera un blog sous les auspices d’un site Internet autorisé, accomplissant du vrai travail paraissant sur la Toile – qui pourra même, éventuellement, lui rapporter un peu d’argent. S’il manifeste quelque intérêt pour une carrière dans le domaine de la santé, il travaillera comme bénévole dans un hôpital local tout en acquérant les prérequis pour pouvoir faire médecine. Et s’il travaille sur desprojets qui le mènent dans des établissements postsecondaires, il n’y a aucune raison pour laquelle il ne pourrait pas travailler sur des projets qui lui permettraient d’obtenir des crédits dans ces établissements – s’il peut satisfaire à leurs normes de rendement.

Ce qui importe ici, ce n’est pas simplement d’évaluer l’élève en fonction des normes de son école publique, mais sur celles, plus rigoureuses, auxquelles il sera soumis dans la vie une fois qu’il aura terminé ses études. De cette façon, il sera déjà sur la voie vers laquelle le portent ses intérêts. L’éducation publique concordera avec l’avenir que l’élève s’est choisi et l’y préparera d’une façon don’t nous sommes bien loin aujourd’hui. L’évaluation devrait donc mener, non seulement à une amelioration du niveau, mais à la réussite dans la vie, à un enthousiasme irrépressible pour le domaine choisi par l’élève et une aptitude particulière à cet égard. Nous ne devons accepter rien de moins, sinon nous nous spolions nous-mêmes dans le bouleversement le plus fundamental en éducation depuis l’invention de l’imprimerie.

Richard Worzel est le futurologue canadien en pointe. Il donne de son temps pour dialoguer avec des élèves du secondaire, selon ses disponibilités. Vous pouvez le joindre en passant par son site ou par courriel.

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